Fanfare La Lyre
Ballaigues

Ballaigues

Un peu d’histoire

Au moment de présenter ma commune, j’ai l’impression que tout a déjà été dit, écrit, raconté. L’antiquité, le Moyen-Âge , la route transeuropéenne, les péages, le travail du fer, le passage des armées conquérantes ou défaites, la belle Epoque, l’hôtellerie, la grande crise, l’industrialisation….. Ballaigues a une histoire que tant d’autres communes n’ont pas, ses citoyens ont vécu tant d’événements que peu d’autres ont vécu. On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire, les ballaiguis seraient-ils malheureux ? Tout est-il définitivement accompli ? Son avenir serait-il une introspection perpétuelle ? Ballaigues hésiterait-elle entre tradition et modernité ?

Ballaigues n’hésite pas, Ballaigues a choisi. Elle a choisi le camp de ceux qui regardent au loin, en avant, au delà de l’horizon parfois gris du quotidien. Ballaigues prépare l’avenir, le bien-être des générations futures, la société de demain. L’aventure sera belle, mais Ballaigues n’est pas une aventurière, elle préfère la rugosité du sol qui l’a vue naître à la douceur des sables exotiques. Son avenir elle le construira en cherchant sa force dans le puissant héritage laissé par son histoire, ses pionniers, leurs réussites et leurs échecs, comme tant de leçons à jamais gravées dans le calcaire jurassien.

Le village de Ballaigues est né et s’est développé de part et d’autre d’une route. Et quelle route, celle qui dès les derniers siècles avant notre ère reliait le sud au nord, celle qui était la colonne vertébrale de l’impressionnant réseau routier romain, celle qui fut appelée l’axe lotharingien, puis la route du sel, rien moins ! Au cours des siècles, Ballaigues a vu défiler dans sa rue principale des cohortes de voyageurs, pèlerins en quête de spirituel, commerçants prospères, marchands de bonheur ou d’illusion, chefs de guerre ou soldats perdus, princes et chefs d’Etat ou simples passants en quête d’un ailleurs. La route a façonné son visage de village rue.

Aujourd’hui Ballaigues tient à le sauvegarder en aménageant son territoire dans le respect de sa structure. Elle privilégie la restauration des anciennes maisons bordant la grand rue, transformant même l’une d’elle pour en faire le siège de son administration communale. En 2006 elle a érigé la silhouette moderne et futuriste de sa salle polyvalente et de son commerce local le long de cette même grand rue. Un projet d’élargissement de la zone à bâtir en dessus de la route et un projet de modification de la zone industrielle en dessous de la route avec une voie de circulation les reliant sont aujourd’hui sur la table de la Municipalité. Le village vit, grandit, évolue et se modernise dans le respect du passé.

Dans ses notes d’histoire sur Ballaigues, Etienne A Bourgeois intitule l’un de ses chapitres : « Du village rue au village balcon », pour signifier le passage du statut de lieu de passage à celui de lieu de séjour à la vue imprenable. Plus rien aujourd’hui ne peut laisser entrevoir que Ballaigues fût, dans un passé pas si lointain, une station climatique réputée à la clientèle cosmopolite et huppée. Et pourtant dès 1870, des ballaiguis à l’esprit de pionnier commencent à construire un embryon de structure hôtelière. Cette dernière prendra une ampleur extraordinaire avec plusieurs hôtels dont l’hôtel Aubépine, immense corps de bâtiment allongé pourvu de tourelles à échauguette, ressemblant à s’y méprendre à l’hôtel de Caux ou au palace de Gstaad. Dans les années 1900, il y avait plus de 1000 étrangers à Ballaigues l’été. En 1914, le coup de tonnerre de Sarajevo brisera à tout jamais ce que l’on a appelé « La belle époque ».

Le quotidien et le futur de Ballaigues ne se conjuguent plus au temps du tourisme de masse mais plutôt au temps d’un tourisme « soft », au rythme lent des marcheurs qui parcourent la crête du Jura, les gorges de l’Orbe ou le sentier thématique de la Jougnenaz. L’offre hôtelière actuelle est réduite à la dizaine de lits de l’auberge communale et à son excellente table. L’important développement industriel local a encouragé la Municipalité à engager une réflexion approfondie sur l’aménagement et la réhabilitation de cette petite infrastructure hôtelière. A l’horizon 2015, Ballaigues sera à nouveau en situation d’accueillir dignement ses hôtes et ceux des industriels locaux, venus des quatre coins du monde pour se familiariser aux technologies nouvelles, nées dans les usines locales. L’histoire ne serait-elle qu’un éternel recommencement ?

Au début du XXème siècle, Ballaigues voit donc ses projets touristiques et son développement économique ruinés. Il fallut trouver autre chose. Ballaigues avait le choix entre un avenir de village périphérique se dépeuplant lentement comme tant d’autres ou redevenir un village dynamique et innovateur. Là encore son histoire, les voie de communication, les millions de voyageurs rencontrés et les multiples ouvertures au monde allaient décider de son avenir, Ballaigues serait industrielle. Pas n’importe quelle industrie, mais l’industrie de pointe, celle des grandes innovations. Ainsi vit-on la naissance d’ « Alpa », fabriquant dès 1944 le premier appareil photo « reflex » de haut de gamme, le développement de « Bourgeois vins » négociant et importateur en vins qui existait déjà depuis 1790, l’apogée des « Forges du Creux » qui produisaient les célèbres faux de Ballaigues, l’avènement des « Fils d’Auguste Maillefer » qui dès 1889 produisent des instruments dentaires. Le ton est donné.

Aujourd’hui le Ballaigues industriel se décline sur un ton multinational. « Les Fils d’Auguste Maillefer » est devenue « Densply Maillefer », une holding multinationale à capitaux américains, leader mondiale dans la fabrication d’instruments dentaires et de chirurgie orthopédique, occupant une surface de production de 20 000 m2, employant 748 personnes, avec une progression évaluée à hauteur de 12% par année pour les prochaines années et des projets concrets de développement de ses infrastructures. Il convient d’y ajouter « Manuplast » une entreprise familiale d’injection plastique occupant une quarantaine de personnes, « Rouages SA, autre entreprise familiale, active dans l’horlogerie et la micromécanique, entreprises qui ont également des projets de développement prêts à éclore ; sans oublier quelques ateliers de plus petite taille et des entreprises actives dans le bâtiment ou les services. Avec ses 903 âmes, Ballaigues offre presque autant d’emplois qu’elle compte d’habitants.

On sait peu de chose de la situation démographique de Ballaigues avant le Moyen-âge, on comptait 10 feux en 1416, 8 en 1453, 45 en 1684. Si l’on considère qu’à l’époque les familles étaient nombreuses et que plusieurs générations vivaient sous le même toit ont peut estimer que la population ne dépassait pas une centaine d’ âmes en 1453. Puis Ballaigues connut une progression régulière ou l’on peut relever 350 habitants en 1803, 597 en 1860, 642 en 1881 , 717 en 1900. Puis à partir de 1900 au cœur de sa magnificence hôtelière, l’évolution démographique épouse une courbe toute en douceur avec 811 habitants en 1910, 929 en 1950, 881 en 1980, 885 en 1990, 871 en 2000 et 896 en 2007.

Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? L’évolution démographique n’est pas une science exacte et l’influence des planifications et des projections des politiques demeurent aléatoires. On peut seulement dire que le souhait de la municipalité actuelle est de ne pas engendrer un développement important. Ballaigues ne doit pas devenir une cité dortoir, base arrière de citoyens pendulaires peu intégrés au tissu social du village. Le projet de transformation de la zone intermédiaire de La Fin des Rittes en zone à bâtir vise à permettre l’accès au logement des jeunes ballaiguis et des cadres et employés de l’industrie locale. Le développement démographique engendré pourrait être de 150 habitants au maximum, portant ainsi la population totale à un peu plus de 1000 habitants. Les autorités communales portent également le souci d’éviter la création d’une seule « zone villas », en y diversifiant le type d’habitation. Une classe d’étudiants de la HEIG d’Yverdon s’est jointe au projet y apportant une vision résolument tournée vers l’avenir avec des solutions urbanistiques et énergétiques appropriées au XXIème siècle.

Au cours de son histoire, avant d’être une commune, Ballaigues a été intégrée à des structures régionales aux contours plus fluctuants, de l’immense empire romain au Pays de Vaud en passant par La Lotharingie, Le Comté de Bourgogne ou la Maison de Savoie.

Cette terre des hauts du Jura a la chance de pouvoir faire face à ses obligations de structure autonome. Des revenus fiscaux confortables, qu’elle partage avec d’autres communes moins favorisées, par le biais de la péréquation cantonale, lui permettent de bénéficier de services publics performants, d’une administration professionnelle, d’équipements modernes et régulièrement entretenus. Cependant, Ballaigues n’est pas une île.

Si la perspective de « fusion de communes » ne se dessine pas encore à l’horizon et ne figure pas à l’ordre du jour des autorités, les collaborations intercommunales sont intégrées à toutes les décisions stratégiques. L’école, l’eau potable, le service du feu, avec Vallorbe ; la forêt, l’irrigation, les pâturages avec Lignerolle et les communes du pied du Jura, plus rien d’important ne peut désormais être entrepris sans se poser la question de l’impact régional d’un projet. Ballaigues a tant à offrir et tant à recevoir, l’avenir de Ballaigues sera régional ou ne sera pas.

Raphaël Darbellay, Syndic

(texte paru dans la Feuille des Avis Officiels du Canton de Vaud – février 2008)